Jazz by Pagnol Marcel

Jazz by Pagnol Marcel

Auteur:Pagnol, Marcel [Pagnol, Marcel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Théâtre
Éditeur: Le Livre de Poche
Publié: 1954-02-28T23:00:00+00:00


Acte IV

Même décor. Les rayons qui portaient les livres ont disparu. Il y a des fleurs dans les vases.

Scène première

BLAISE, puis LE JEUNE HOMME

Blaise est seul. Il est beaucoup mieux vêtu, on sent qu’il a voulu être élégant. Il rôde autour du bureau, il touche des gants qui appartiennent à Cécile, il les flaire. Il regarde de temps à autre la porte de la chambre, au premier plan à droite. Soudain, le Jeune Homme surgit.

BLAISE

Toi ?

LE JEUNE HOMME

Oui. Tu n’es pas content de me voir ?

BLAISE

Si. Mais pourquoi reviens-tu ?

LE JEUNE HOMME

Parce que tu as encore besoin de moi.

BLAISE

Crois-tu ?

LE JEUNE HOMME

Oui. Où est-elle ?

BLAISE

Dans cette chambre. Elle dort…

LE JEUNE HOMME

Où en sommes-nous ?

BLAISE

Depuis trois jours, elle habite ici. Je l’ai retenue (Un peu honteux.) par la pitié.

LE JEUNE HOMME

Je sais.

BLAISE

J’ai écrit à son tuteur. Il consent. Nous allons chez lui demain. Départ ce soir.

LE JEUNE HOMME

Es-tu pleinement heureux ?

BLAISE

Je suis heureux… Et c’est à toi que je dois tout…

LE JEUNE HOMME

Je sais. As-tu bien dormi cette nuit ?

BLAISE

Le bonheur n’est pas de dormir.

LE JEUNE HOMME

As-tu bien dormi cette nuit ?

BLAISE

J’ai rêvé qu’on lançait des pierres contre mes volets. Et trois fois, j’ai cru qu’on frappait à ma porte.

LE JEUNE HOMME

C’était moi.

BLAISE

Que voulais-tu ?

LE JEUNE HOMME

La bien-aimée vit auprès de toi, et tu ne tentes rien pour la prendre ?

BLAISE

Quoi ? Tu voudrais ?

LE JEUNE HOMME, à voix basse, mais avec force.

Il faut la prendre.

BLAISE

Cette fois, tu te trompes. Il faut attendre l’heure où elle se donnera.

LE JEUNE HOMME

Tu as peur. Tu recules. Et pourtant, le désir te ronge !

BLAISE

Ce n’est pas vrai. Je ne sais pas ce que tu appelles le désir.

LE JEUNE HOMME

Ah ! Tu ne sais pas ! Le désir, c’est ce qui brille dans tes yeux quand tu regardes cette porte. Cette nuit, tu n’as pas senti ce parfum chaud dans la maison ? Cette tiédeur de ses robes tombées, et cette odeur de ses cheveux dans l’ombre ?

BLAISE

Tais-toi.

LE JEUNE HOMME

Hier au soir, elle t’a regardé si longuement, avec une tendresse enfantine… Tu as pressé sa main d’un long baiser… Elle y pensait en se couchant… Elle ne lutterait pas longtemps… (Blaise regarde la porte fixement. Son visage prend peu à peu une expression de désir brutal.) Elle est derrière cette porte… elle sommeille, sa bouche entrouverte laisse voir les dents… Regarde… les cheveux épars sur l’oreiller, et ce bras nu qui pend hors du lit… Vois le sein pâle et ce réseau de fines veines bleues… Ouvre la porte… ouvre… Tu verras les claires épaules, tu toucheras les hanches rondes… Elle est à toi !

Tourne le bouton de cuivre ! (Peu à peu, Blaise s’est rapproché, ses yeux brillent, sa lèvre tremble. Il étend la main vers le bouton de la porte qui brille d’une étrange lueur et qui est devenu le centre de la scène.) Tourne… Comme ça… Tourne…

Soudain, Blaise se rejette en arrière brusquement.

BLAISE

Il ne faut pas, non ! non ! Il vaut mieux attendre ! (D’un ton suppliant.) Puisqu’elle sera ma femme



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